Quel impact un été sans internet peut-il avoir sur votre style ?

La tendance du digital detox s’invite dans la mode. Analyse.

À l’époque où les modems grésillaient pendant de longues secondes avant de se connecter et où une page web mettait une éternité à s’afficher, Internet influençait déjà la mode. Entre le boom du shopping en ligne, la montée des blogs street-style et les forums confidentiels pour passionnés de créateurs, être en ligne ouvrait une fenêtre sur un monde plus vaste que la réalité quotidienne. Plus tard, se rendre sur Lookbook ou Tumblr permettait de trouver la communauté qui nous manquait dans notre petite ville. Aujourd’hui, même si la mode existe encore dans la vraie vie, tout se joue sur le Web : micro-tendances TikTok, newsletters Substack qui critiquent ces mêmes tendances… Le monde physique a fini par s’incliner face au digital.

Mais… et si la tendance s’inversait ? Avec le grand retour du « hors-écran » — la photo argentique qui renaît, le livre papier qui résiste aux liseuses, les loisirs créatifs qui deviennent un refuge face à la surconnexion — la mode se met elle aussi à cultiver la nostalgie. De nouveaux magazines imprimés voient le jour, les maisons de luxe rendent hommage à des auteurs, et des archives de mode ou de livres (comme la toute récente Library 180) attirent les directeurs artistiques lassés d’Instagram. Même sur Internet, tout le monde aspire désormais à être déconnecté, partageant ses cures de « digital detox » et ses astuces pour décrocher… depuis son téléphone, bien sûr. Pinterest a même baptisé 2025 « l’été de la déconnexion digitale » après avoir constaté une hausse de 273 % des recherches sur le sujet. Aujourd’hui, être offline est presque devenue un privilège : la preuve que vous n’êtes pas à la merci des notifications Slack ou des plannings automatisés. Comme les motifs alimentaires devenus en 2022 un symbole d’abondance, le temps passé loin de son téléphone est désormais l’ultime signe de luxe.

En réalité, cela s’inscrit dans un constat plus large : celui que les réseaux sociaux ont uniformisé notre manière de nous habiller. Comme le résumé Alexandra Hildreth, rédactrice mode chez ELLE, dans une phrase devenue virale et citée dans de nombreux articles : « On peut deviner le temps d’écran de quelqu’un à sa tenue. » Plus on est branché·e sur le flux incessant des micro-tendances, plus elles s’invitent dans notre style du quotidien — jusqu’à inspirer des associations improbables comme un short de foot avec des ballerines. Alors, si être ultra online influence autant notre façon de nous habiller, que se passe-t-il quand on débranche ? Et existe-t-il vraiment une échappatoire ?

Etre en ligne […] vous empêche de porter certaines choses parce que vous ne voulez pas être scruté à travers toutes ces règles de mode « New Age », qui sont en réalité des façons dépassées de penser la mode

Phoebe Taylor, YouTubeuse

La dictature des tendances en ligne

Phoebe Taylor, YouTubeuse qui explore régulièrement ces questions dans ses vidéos, se trouvait d’ailleurs « en vacances presque hors réseau » lorsque nous avons échangé avec elle. Mais bien avant cette parenthèse, elle utilisait déjà sa chaîne pour analyser comment forger un style personnel dans un univers dominé par le digital. Elle a notamment réagi au débat sur la mode vue par le « regard masculin » versus le « regard féminin » — qu’elle décrit comme « du slut-shaming dans une autre typographie » —, ce qui l’a menée à publier une vidéo sur « la diabolisation du sexe dans le discours mode contemporain » et sur la manière dont le style « sexy » est devenu quasi tabou dans les conversations mode en ligne.

« La direction que prend la mode en ce moment — et qui, selon moi, est en grande partie liée à son hyperprésence en ligne —, c’est que beaucoup de tendances dites avant-gardistes reposent sur de simples juxtapositions… Des associations presque volontairement « incorrectes » », explique-t-elle (comme les ballerines avec des shorts de foot Umbro, cités plus haut). À l’origine, des pages comme Pinterest ou Tumblr étaient une manière de se démarquer de la masse, mais aujourd’hui, on voit ces looks reproduits à l’infini. Autrefois, on allait en ligne pour échapper aux « passionnés de la norme » qui nous entouraient ; désormais, ces derniers sont partout dans nos téléphones, impossibles à éviter.

Aujourd’hui, confie Phoebe Taylor, son inspiration vient surtout de personnes qui ne suivent pas la mode : « un homme de 80 ans que j’ai croisé dans une file pour acheter une glace, un ami qui s’habille uniquement chez Walmart et Goodwill sans chercher à chiner pour être cool, ou encore ma voisine de 50 ans qui porte la même garde-robe depuis vingt ans. »

La direction que prend la mode en ce moment, […] c’est que beaucoup de tendances dites avant-gardistes reposent sur de simples juxtapositions et des associations presque volontairement « incorrectes »… […] (comme les ballerines avec des shorts de foot Umbro, cités plus haut).

Phoebe Taylor, YouTubeuse

L’illusion de la déconnexion

S’inspirer de ceux qui sont un peu en dehors des tendances lui a permis de se sentir plus libre d’assembler ses vêtements intuitivement, plutôt que de suivre le lien d’un influenceur. « Être en ligne vous fait aussi peur de commettre certaines erreurs de style », ajoute Taylor. « Ça vous empêche de porter certaines choses parce que vous ne voulez pas être scruté à travers toutes ces règles de mode « New Age », qui sont en réalité des façons dépassées de penser la mode, recyclées dans un langage moderne. » Plutôt que de se plier à l’algorithme, beaucoup de créateurs qu’elle connaît abandonnent le jeu et « s’en servent comme excuse pour faire ce qu’ils veulent de toute façon ».

À l’origine, des pages comme Pinterest ou Tumblr étaient une manière de se démarquer de la masse, mais aujourd’hui, on voit ces looks reproduits à l’infini.

Phoebe Taylor, YouTubeuse

Cela dit, même un futur luddiste a du mal à se déconnecter complètement de la scène mode contemporaine. Même si vous passez l’été à « toucher l’herbe », ce panoptique en ligne reste ancré dans votre esprit. Sans parler du fait que « tellement de choses sont tendances en ce moment que même éviter volontairement les tendances ne vous mène pas forcément à votre style personnel authentique », précise Taylor. « Si vous les évitez toutes, vous essayez toujours stratégiquement de faire quelque chose que vous n’auriez peut-être pas évité si vous n’étiez pas en ligne depuis le départ. C’est difficile de trouver l’équilibre authentique entre : « Quelles tendances m’attireraient vraiment si je n’étais pas en ligne, et lesquelles je suis juste parce que je suis en ligne ? » Se déconnecter pour être authentique, sans se couper au point de ne plus être authentique, c’est tout un calcul. » Si quelqu’un trouve la solution, qu’il nous prévienne.

Tellement de choses sont tendances en ce moment que même éviter volontairement les tendances ne vous mène pas forcément à votre style personnel authentique.

Phoebe Taylor, YouTubeuse

Autrice : Véronique Hyland
Cet article a été traduit et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : Tendance · été · style
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