Comment le design réinvente l’univers des parfums d’intérieur
La nouvelle génération de parfums d’intérieur séduit autant par la beauté du contenant que par celle des senteurs. Il est temps de prendre des notes…

« Il y a un jeu évident entre les matières, combinées selon des équations mécaniques », explique le designer français Benoît Lalloz. « Un axe lumineux central semble traverser la structure de haut en bas et de bas en haut. Chaque fonction est visible. » On pourrait croire aux propos d’un architecte décrivant son nouveau gratte-ciel, mais la structure en question est en réalité l’Infra Lunar 2.0 de Byredo – un objet qui brouille les frontières entre design olfactif et éclairage.

Imaginée par Lalloz, cette création se présente comme une spectaculaire cage-lanterne en aluminium anodisé rose vif, entourant l’une des bougies en verre fumé emblématiques de la maison suédoise. Au-dessus, une ampoule halogène fait fondre la cire, libérant délicatement le parfum sans qu’il soit nécessaire d’allumer la mèche, tandis qu’en dessous, une seconde lumière traverse la base circulaire ajourée. Même le cordon électrique — inspiré des ailes d’un papillon et gainé de rayures tressées rouges, noires et jaunes — participe au spectacle. La preuve que le design s’impose désormais comme un élément central de l’art olfactif domestique, élevant le parfum d’intérieur au rang d’expérience sensorielle autant visuelle qu’olfactive.

« Quand je conçois un espace, la première chose à laquelle je pense, c’est le parfum et la manière dont les matériaux vont interagir avec lui », explique Miminat Shodeinde, avant d’ajouter : « L’odorat est l’un de mes sens les plus importants ; il influence profondément la façon dont on perçoit un intérieur. »
Son studio, Miminat Designs, imagine des fragrances sur mesure, intégrées à chaque projet. « Tout dépend souvent du client et de l’ambiance qu’il souhaite créer », poursuit Mimi. « Certains préfèrent un parfum discret, en arrière-plan, tandis que d’autres apprécient une expérience olfactive immersive et enveloppante. L’enjeu, c’est de trouver le juste équilibre pour compléter l’espace, l’atmosphère et, bien sûr, la personne. »

« Je pense qu’il y a eu un véritable changement sociétal après le Covid : nous investissons beaucoup plus dans la création d’expériences domestiques belles et immersives », confie la décoratrice d’intérieur Franky Roussell, dont l’agence mancunienne, Jolie Studio, intègre la conception olfactive dès le début de chaque projet. « Nous voulons nous imprégner de nos espaces pour nous reconnecter au monde réel, pour notre bien-être. Nous sommes prêts à ressentir à nouveau toute la palette des émotions. »

En plus de questionner ses clients sur les textures et les couleurs qu’ils affectionnent, elle rassemble également leurs arômes et morceaux préférés pour composer le moodboard initial du projet. « Nous savons qu’il existe une corrélation entre certains parfums et l’état d’esprit qu’ils favorisent dans différentes pièces de la maison », explique-t-elle. « C’est merveilleux de s’appuyer sur ces associations, qu’il s’agisse de notes fraîches et herbacées dans la cuisine, ou de senteurs réconfortantes à base de fève tonka et de lavande dans la chambre. Les recherches le confirment : nous pouvons façonner l’usage et les souvenirs d’un lieu pour le meilleur, en ajoutant une dimension qui se ressent plutôt qu’elle ne se perçoit consciemment. »

C’est ce désir de maisons plus holistiques qui se reflète dans une nouvelle vague de collaborations entre maisons de parfumerie et figures du design. Ainsi, la gamme « Artisan Masterpieces » de Diptyque inclut un réflecteur en bronze pour ses bougies, conçu en partenariat avec Maison Intègre, un studio burkinabé spécialisé dans la technique ancestrale de la cire perdue. De son côté, la marque italienne Acqua di Parma a lancé ses bougies « Chapeau! », présentant un double contenant en céramique imaginé par la designer parisienne Dorothée Meilichzon, inspiré du flacon art déco iconique de la maison. Enfin, la marque australienne Aesop a fait appel à Vogel Studio et Studio Henry Wilson pour créer des récipients métalliques voluptueux destinés à ses encens et huiles parfumées.

Les Britanniques s’y mettent aussi. Lors de la London Craft Week (12-18 mai), EJM Studio a lancé le « Censer », un porte-encens suspendu, accompagné de parfums signés FKAH (Formerly Known As Haeckels). Les créateurs olfactifs Moro Dabron ont récemment collaboré avec la maison d’antiquités Jamb pour concevoir de convoitées urnes à bougie en bronze (rechargeables), inspirées des fresques pompéiennes. Et le mois dernier, la parfumerie bio Ffern, basée dans le Devon, a lancé sa première bougie en abonnement, logée dans un récipient métallique brillant, orné d’un artwork émaillé sur mesure par Cory Feder, créé spécialement pour chaque saison (la première rendant hommage à Eostre, déesse anglo-saxonne du printemps).

Les designers se prennent également au jeu de créer de véritables coffres à inspiration pour tous types d’accessoires parfumés. C’est le cas de 6:AM Glassworks, basé à Milan, qui vient de lancer un brûleur de palo santo soufflé à la main. Le céramiste Henry Holland s’inscrit lui aussi dans cette mouvance : ses récipients, garnis de parfums pour bougies, attirent autant le regard lors de l’utilisation que comme objets d’art une fois la flamme éteinte.
Ana Patricia Nikaido, fondatrice de la marque de parfumerie d’intérieur Aromaria, apprécie ce croisement entre olfactif et visuel. Dans sa collection, on trouve des bâtons de parfum enveloppés de pétales ou des écorces infusées de senteurs botaniques. « Ce sont autant d’invitations à vivre le parfum de façon nouvelle et immersive », explique-t-elle. « Un bel objet sublime le rituel de parfumer un espace, le rendant présent dans l’air comme dans la mémoire. » Le changement, comme un parfum envoûtant, flotte dans l’air.
Auteur : Nick Carvell
Cet article a été traduit et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elledecoration.co.uk. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.