Sur Netflix, « Night Always Comes » : un film coup de poing sur le courage des femmes
Night Always Comes ose montrer que, parfois, l’acte le plus courageux qu’une femme puisse accomplir est simplement de survivre – et que survivre, c’est aussi savoir quand il est temps de partir.

Oubliez les mantras de développement personnel et les routines matinales bien rodées. Night Always Comes, la nouvelle production de Netflix, propose quelque chose de bien plus brut : l’histoire d’une femme qui fait déjà tout « comme il faut », mais à qui la vie refuse malgré tout un répit. Vanessa Kirby y livre une performance magistrale dans le rôle de Lynette, une femme qui enchaîne deux emplois, auxquels s’ajoute un travail d’escort, et qui se retrouve avec moins de 24 heures pour réunir 25’000 dollars (environ 20’000 francs), sous peine de perdre la maison familiale.
Le réalisateur Benjamin Caron ne cherche jamais à adoucir son propos. « L’idée que l’on puisse cumuler trois emplois et ne pas réussir à payer son logement est une tragédie éminemment contemporaine », confiait-il à Netflix Tudum. C’est précisément ce qui rend ce film nécessaire. Là où d’autres fictions se plaisent encore à montrer des femmes capables de tout concilier, Night Always Comes nous met face à une réalité glaçante : celle de millions de personnes qui s’épuisent au travail tout en continuant à tout perdre.
Ce qui rend Lynette particulièrement touchante, c’est qu’elle ne cherche ni à gravir les échelons, ni à briser un plafond de verre. Pas de quête d’empowerment par l’entrepreneuriat, ni de réinvention de soi au gré d’une retraite de yoga. Elle veut simplement offrir un toit à sa famille, dans un système qui semble se liguer contre elle. Lorsque sa mère Doreen (Jennifer Jason Leigh) dilapide l’argent destiné à l’achat de leur maison pour s’offrir une voiture, Lynette n’a pas le luxe de « couper les liens toxiques » ou de « poser ses limites ». Elle n’a que quelques heures pour tout réparer. Et c’est cette urgence qui la pousse, pas à pas, vers des choix toujours plus périlleux.

Tout juste auréolée de sa nomination aux Oscars pour Pieces of a Woman (2020), Vanessa Kirby apporte à Night Always Comes une fatigue presque palpable, inscrite dans chaque geste et chaque regard. « Elle prend de mauvaises décisions, mais jamais par intention malveillante », explique l’actrice. « Au contraire, elle veut uniquement faire ce qui est bien. »
Le film se déploie le temps d’une seule nuit à Portland, entraînant Lynette et son frère Kenny (Zack Gottsagen) dans un univers souterrain qu’elle pensait avoir laissé derrière elle. De Scott (Randall Park), client d’escort condescendant, à Gloria (Julia Fox), amie aussi peu fiable qu’opportuniste, chaque rencontre souligne l’isolement profond de Lynette. Même lorsqu’elle entraîne Cody (Stephan James), ancien détenu et collègue, dans un cambriolage censé leur rapporter 19’000 dollars (environ 15’000 francs) et un kilo de cocaïne, la collaboration tourne court : Cody finit par lui reprocher, à juste titre, de l’avoir instrumentalisé.
La séquence la plus bouleversante survient lorsque Lynette, acculée, n’a d’autre choix que de contacter Tommy (Michael Kelly), son ex-compagnon qui l’avait poussée vers la prostitution à l’âge de 16 ans. C’est une démonstration saisissante de la manière dont les traumatismes continuent de dicter nos choix et de la facilité avec laquelle le désespoir nous ramène vers les situations que l’on a le plus cherché à fuir. Lorsque l’acheteur de Tommy tente de l’agresser, la fuite de Lynette ne ressemble pas à une victoire, mais bien à un nouvel échappatoire de justesse dans une existence jalonnée par ces faux répit.

Que signifie la fin de Night Always Comes ?
Plutôt qu’un affrontement spectaculaire ou une réconciliation larmoyante, Lynette choisit simplement… elle-même. Elle fait ses adieux à Kenny, laisse de l’argent à sa mère et à Gloria, puis s’en va. Ce n’est pas une conclusion qui règle tout d’un coup de baguette magique, mais c’est une fin qui sonne juste. « Son plus grand acte moral, c’est de, enfin, se choisir », souligne Benjamin Caron. Et il y a là quelque chose de profondément révolutionnaire dans une culture qui exige constamment des femmes qu’elles se sacrifient pour les autres.
La puissance de cette fin réside dans sa subversion tranquille de la logique habituelle du cinéma. Après le vol, la violence et l’agression manquée, Lynette découvre que sa mère avait saboté l’achat de la maison intentionnellement. Doreen n’avait jamais voulu s’installer là ; elle a laissé sa fille tout risquer pour un rêve qu’elle ne partageait pas.
Le film ne propose ni solutions ni consolation. Il fait quelque chose de plus précieux : il regarde les femmes que la société rend invisibles et raconte leurs histoires sans jugement.
Night Always Comes est disponible dès maintenant sur Netflix en Suisse.
Autrice : Naomi May
Cet article a été traduit et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com/uk. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.