La victime parfaite n’existe pas: ce que le scandale autour de Blake Lively révèle

Au cœur de la bataille juridique entre Blake Lively et Justin Baldoni, les deux stars de Jamais plus (2024), un récit dangereusement omniprésent émerge : l’actrice américaine ne peut pas dire la vérité, car elle ne correspond pas au stéréotype de la victime parfaite. Opinion.

Le monde s’évertue à croire que les femmes sont malveillantes, que les femmes sont froides. Le monde s’acharne à croire que les femmes sont incohérente et imprécises, qu’elles sont difficiles et compliquées. Le monde, semble-t-il encore, est prêt croire tout ce qui peut nuire aux femmes, mais ce qu’il ne veut pas faire, c’est les croire réellement lorsqu’elles s’expriment avec leurs propres mots.

Sur Internet par exemple, l’opinion publique s’est polarisée, transformant l’affrontement juridique qui a suivi la sortie de Jamais plus (2024) en un duel aux allures de condamnation médiatique : entre Justin Baldoni et Blake Lively, seul un vainqueur devra l’emporter. Le 31 décembre 2024, l’actrice américaine a déposé plainte contre l’acteur américain, mais aussi le producteur du film Jamey Heath et les attachées de presse Jennifer Abel et Melissa Nathan. Elle les accuse d’avoir orchestré une campagne de diffamation visant à « détruire » sa réputation. Dès le lendemain, Justin Baldoni a riposté en poursuivant le New York Times, affirmant que le journal s’était aligné sur l’équipe de Blake Lively en « sélectionnant » des échanges de messages hors contexte pour le discréditer dans un article intitulé « We Can Bury Anyone: Inside a Hollywood Smear Campaign » (« On peut enterrer n’importe qui : dans les coulisses d’une campagne de diffamation à Hollywood. ») publié le 22 décembre 2024. Son avocat, Bryan Freedman, avait par la suite annoncé d’autres actions en justice. Jeudi 16 janvier, l’acteur de 40 ans a mis ses menaces à exécution en attaquant Blake Lively et son mari, Ryan Reynolds, pour diffamation.

Inverser les rôles

Il s’agit de la deuxième plainte déposée par Justin Baldoni en lien avec Blake Lively et la production de Jamais plus. Dans un dossier de 179 pages, l’acteur accuse le célèbre couple d’avoir usé de leur influence pour prendre le contrôle du tournage et de la production du film. Quelques heures à peine après le dépôt de la plainte, l’équipe de Blake Lively a répliqué dans un communiqué cinglant : « C’est une histoire vieille comme le monde : une femme s’exprime avec des preuves concrètes de harcèlement sexuel et de représailles, et l’abuseur tente d’inverser les rôles. C’est ce que les experts appellent le DARVO (Deny. Attack. Reverse Victim Offender) : nier, attaquer et faire passer la victime pour l’agresseur. »

C’est une histoire vieille comme le monde : une femme s’exprime avec des preuves concrètes de harcèlement sexuel et de représailles, et l’abuseur tente d’inverser les rôles.

Et sur la Toile, le verdict semble déjà rendu : Blake Lively, icône de Gossip Girl, est désignée comme la coupable idéale. Depuis qu’elle a intenté une action en justice contre Justin Baldoni et son équipe, les recherches liées à l’affaire ont bondi de 500 % sur Google Trends. Sur TikTok, hommes et femmes s’emparent du dossier, disséquant son attitude lors d’anciennes interviews, analysant chaque mot, chaque geste, pour alimenter le récit d’une Lively manipulatrice. En revanche, peu d’examens du comportement de Justin Baldoni émergent. Les raisons de cet écart sont multiples, les explications complexes, mais une chose demeure : cette bataille judiciaire repose sur un affrontement de récits, un cas typique de « parole contre parole ». Et dans ce genre d’affaire, il y a rarement un seul vainqueur — encore moins lorsqu’il s’agit d’une femme.

Modèle idéalisé de la victime

L’argument sous-jacent semble être que quelque chose ne tourne pas rond chez Blake Lively. Qu’elle ment, qu’elle manipule, qu’elle adapte sa version des faits. Après Jamais plus, la résurgence d’anciennes interviews où elle était qualifiée de « grossière » et de « garce » a mis en lumière une réalité brutale pour les femmes du monde entier : à moins d’incarner parfaitement l’image que la société se fait d’une victime, elles sont perçues comme des menteuses. Ces jugements ont mis en lumière une réalité brutale pour les femmes du monde entier : si elles ne correspondent pas parfaitement au modèle idéalisé de la victime, elles sont immédiatement suspectées de mentir. Dans le récit collectif, il n’y a aucune tolérance pour leurs erreurs. Être une « victime imparfaite » équivaut à ne pas être une victime du tout — du moins, pas aux yeux de l’opinion publique.

Au-delà des litiges juridiques, les commentateurs sur Internet décrivent Blake Lively comme « déconcertante », « froide » et « indifférente ». Cette perception pose un problème fondamental : une femme jugée antipathique ne peut ni être lésée, ni être crue. Et c’est précisément là que réside le cœur du débat.

Justiciers du Web

Si le mouvement #MeToo nous a enseigné une chose, c’est que la parole des femmes méritait d’être entendue et crue. Mais son démantèlement s’est opéré progressivement, puis brutalement. Lundi 20 janvier, Donald Trump prêtera serment en tant que président des États-Unis, lui qui a qualifié les femmes de « retardées », « pathétiques » et « dégoûtantes ». En 2022, un jury a jugé que Johnny Depp avait été diffamé par une tribune d’Amber Heard sur la violence domestique, bien qu’elle ne l’ait jamais nommé. Lors du procès, Amber Heard l’avait décrit comme un « monstre », l’accusant de l’avoir frappée sous l’emprise de la drogue, de briser des meubles dans des accès de rage et, dans un moment d’une brutalité inouïe, de l’avoir agressée sexuellement lors d’une « fouille cavitaire » à la recherche de cocaïne.

Aujourd’hui, dans le cirque médiatique des célébrités, la véritable cour de justice est celle de l’opinion publique : tant que les justiciers des réseaux sociaux sont de votre côté, la victoire semble acquise. Un conditionnement insidieux s’est enraciné dans notre perception du monde : les hommes peuvent presque tout se permettre et rester crédibles, tandis qu’une femme, au moindre faux pas, est immédiatement vouée à l’opprobre. La controverse autour de Jamais plus n’a pas encore livré toutes ses vérités, mais une chose est certaine : plusieurs réalités peuvent coexister. Blake Lively a peut-être commis des erreurs, tout comme Justin Baldoni. Mais si nous refusons d’admettre cette complexité — et d’accepter que les victimes ne se conforment pas toujours aux stéréotypes que nous leur imposons —, alors c’est un recul pour les femmes du monde entier.

Autrice: Naomi May
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur 
elle.com/uk/. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : etats-unis · hollywood · people · film · scandale
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