Pourquoi les « Sunday Boys » sont le cauchemar de tous les célibataires

C’est une catégorie bien particulière d’hommes que l’on croise sur les applications de rencontre… mais uniquement en fin de semaine.

Ed, 34 ans, m’a envoyé un message presque immédiatement. Ça a dû se passer quelques secondes, peut-être cinq ou six, après notre match — une véritable bouffée d’air frais lors d’un dimanche matin plutôt terne, surtout que j’étais en pleine gueule de bois. Il voulait savoir comment s’était passé mon week-end, ce que je faisais dans la vie, et où avaient été prises certaines de mes photos de profil. Bavard, enthousiaste, peut-être même un peu trop pressé, il est vite devenu quelqu’un en qui j’ai osé entrevoir un espoir.

Nous avons rapidement noué un échange, envoyant quatre ou cinq messages à la fois. « Demain, c’est trop tôt pour se voir ? », me taquinait-il pendant que je m’appliquais ma crème de nuit, prête à aller me coucher. Je lui ai répondu que non, et je me suis endormie en pensant à notre rendez-vous. Le lendemain matin, toujours pas de réponse d’Ed. « Probablement au travail », ai-je pensé. Une excuse que je me suis répétée pendant une semaine. « Salut, tu veux toujours qu’on se voie ? » ai-je finalement écrit. Cela fait maintenant deux mois. Visiblement, c’est toujours trop tôt.

Ce scénario, je le connais bien. Trop bien. Chaque dimanche — jour de pointe des applications de rencontre — je parcours Hinge et engage la conversation avec plusieurs hommes. Les échanges sont vifs, captivants, pleins d’enthousiasme… jusqu’au lundi, où tout s’arrête brutalement, comme si rien ne s’était jamais passé. Toute cette effervescence se transforme alors en une illusion, destinée à finir dans les archives de mon vaste recueil de fantasmes romantiques.

Bienvenue dans l’ère des « Sunday Boys » (ou « mecs du dimanche »), ce terme que j’utilise pour désigner cette catégorie bien particulière d’hommes. Ils sont séduisants, sympathiques, posent même des questions… mais ne donnent de leurs nouvelles qu’un seul jour par semaine. En trois ans de célibat, j’en ai croisé une multitude ; ils sont devenus une véritable épidémie dans le paysage des rencontres modernes.
« Sur mon profil Hinge, j’ai une question qui dit que mon dimanche typique, c’est soit une marche de dix kilomètres, soit rester à pourrir au lit », raconte Emma*, 30 ans, célibataire depuis un an. « Beaucoup de gars me répondaient le dimanche en me demandant ‘Et aujourd’hui, tu fais quoi ?’ On discutait longuement de nos week-ends, puis ils disparaissaient sans jamais donner signe de vie. »

Beaucoup de mecs me répondent le dimanche en me demandant ‘Hey! Tu fais quoi aujourd’hui?’ On discute alors longuement de nos week-ends, puis ils disparaissaient sans jamais donner signe de vie dès le lendemain.

Emma*, 30 ans, célibataire depuis un an

Forme alternative du ghosting

Ce qu’il y a de plus insidieux avec les Sunday Boys, c’est qu’ils peuvent disparaître en plein milieu d’une conversation des plus touchantes, de celles où l’on sent qu’un vrai lien se crée — une rareté sur les applis de rencontres. « Une fois, je discutais avec un gars en gardant le chiot d’une amie », raconte Izzy*, 32 ans. « Les questions sur le chien, sur la façon dont on passait du temps ensemble, et comment il allait, s’enchaînaient rapidement. » Puis, le lundi, après de nombreux échanges, le mec avait disparu. « La dernière chose qu’on s’était dite était aussi innocente que d’habitude, mais quelque chose l’avait visiblement refroidi. Ou, comme l’a suggéré une amie, sa copine était peut-être rentrée dans leur appartement commun. »

Le ghosting est objectivement cruel, peu importe quand et comment il se produit. Pourtant, même en 2025, alors que cette pratique devrait être dépassée, elle reste un phénomène décevant, mais courant, dans un univers de rencontres en ligne largement marqué par la déshumanisation et l’indifférence. Une étude publiée en 2023 par Forbes révèle que 76 % des personnes interrogées ont déjà ghosté quelqu’un ou ont été ghostées en contexte de rencontres. Le fait de swiper est souvent comparé à du shopping, tandis que le reste de l’expérience ressemble parfois à la recherche d’un plat à commander sur Uber Eats.

Tout cela alimente la mentalité du Sunday Boy : tant que la rencontre n’a pas eu lieu en vrai, les enjeux sont au plus bas. Ces hommes n’existent que sur votre écran, simples réceptacles sur lesquels projeter tout votre charme romantique accumulé, jusqu’à ce que cela ne soit plus commode. « Il s’ennuie. Peut-être un peu excité, malgré la gueule de bois de la veille, il vous dit tout ce dont vous rêvez pour ces dernières heures de la semaine. », explique Izzy. « Puis quand arrive la semaine chargée, il sacrifie ses bonnes manières et son engagement. C’est un truc de fou, et c’est un schéma que j’aimerais voir disparaître au plus vite. »

[Le Sunday boy] s’ennuie. Peut-être un peu excité, malgré la gueule de bois de la veille, il vous dit tout ce dont vous rêvez pour ces dernières heures de la semaine. Puis quand arrive la semaine chargée, il sacrifie ses bonnes manières et son engagement.

Izzy*, 32 ans

Les victimes, parfois auteurs et autrices des mêmes travers

Le problème, c’est que ce comportement ne se limite pas aux hommes. Après des années passées sur ces applications maudites (oui, je parle bien de moi), à chercher – et souvent à échouer – à trouver quelque chose de vrai au milieu de ce chaos (toujours moi), il est tentant de rejeter la faute sur tout et tout le monde. Pourtant, la réalité est que nous sommes parfois coupables des mêmes travers. Je suis presque certaine d’avoir été moi-même une « Sunday Girl » : à la recherche d’une validation rapide, quand la solitude et la vulnérabilité après un week-end chargé se font sentir. Il est facile d’ouvrir Hinge, d’entamer une conversation, pour se rendre compte ensuite que mon jugement était à côté de la plaque, et que je n’avais aucune intention réelle de rencontrer cette personne. Ne l’ayant jamais vue, n’ayant aucun ami en commun, et n’ayant de compte à rendre à personne, mon désintérêt s’exprime souvent par un simple ghosting. Je l’admets, c’est un peu hypocrite.

Il devient difficile de se traiter comme de vrais êtres humains quand chaque aspect de la technologie moderne nous conditionne psychologiquement à ne pas le faire.

Mais n’est-ce pas un peu le cas de tout le monde ? Et si la responsabilité individuelle est essentielle — car nous pourrions tous apprendre à être un peu plus bienveillants les uns envers les autres en ligne — à quel point pouvons-nous vraiment nous en vouloir lorsque ce sont les applications elles-mêmes qui encouragent ce comportement, en transformant la rencontre amoureuse en un jeu vidéo ? Il devient difficile de se traiter comme de vrais êtres humains quand chaque aspect de la technologie nous conditionne psychologiquement à ne pas le faire. Peut-être qu’Ed, 34 ans, est fondamentalement un type bien. Mais pour lui, j’étais simplement Olivia, 31 ans : une femme célibataire, une sorte de poupée numérique à manipuler et à délaisser un dimanche après-midi. Puis, le lundi venu, la poupée était rapidement et efficacement mise de côté. Non pas par méchanceté, mais parce qu’elle semblait jetable. Et j’avoue qu’il a été bien trop facile d’en prendre un autre.

Autrice: Olivia Petter
Cet article a été traduit et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com/uk. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.