« Grâce à cette Fashion Week, la Suisse pourrait enfin avoir sa ville de la mode »
Zurich accueillera sa première grande Semaine de la mode en 2026. Un rendez-vous autant perçu comme une aubaine qu’un défi, tant ses ambitions se mêlent à des enjeux touristiques, culturels et économiques majeurs. Eclairages avec Anna Schindler, directrice du développement urbain de la Ville de Zurich.
ELLE Suisse : Quel impact la Zurich Fashion Week pourrait-elle avoir sur l’attrait touristique et économique de la ville ?
Anna Schindler : Si elle parvient à attirer des visiteurs internationaux, la première édition de la Fashion Week de Zurich pourrait générer un impact très positif sur le tourisme local et consolider l’image de la ville comme destination culturelle. C’est un événement qui présente énormément de potentiel de développement, surtout d’un point de vue de la mode ; domaine dans lequel il n’est pas encore reconnu.
La Fashion Week de Zurich pourrait donc selon vous grandement apporter à la ville. Pourquoi cette dernière n’est pas une partenaire de l’événement, ce qui permettrait une plus grande visibilité ?
Nous avions échangé avec les fondateurs il y a un an, lorsqu’ils nous ont présenté cette initiative. Mais celle-ci nécessitait un budget très conséquent, supérieur à un million de francs, sans garantie de succès à ce stade. Car bien que prometteuse, la Fashion Week de Zurich s’inscrit dans un paysage déjà riche en événements culturels avec notamment le Zurich Film Festival ou les Zurich Design Weeks. Si le projet parvient à convaincre et à prendre de l’ampleur, une possibilité de partenariat pourrait être réévaluée. La Ville de Zurich se réjouit toujours de soutenir des projets publics. Toutefois, il convient de rappeler que, même pour les autres événements culturels que la Ville accompagne, elle n’est jamais le principal partenaire financier. Ce sont généralement les soutiens privés et les sponsors qui assurent la croissance de tels projets. C’est un principe de liberté essentiel.
Si la Fashion Week parvient à convaincre et à prendre de l’ampleur, une possibilité de partenariat avec la Ville de Zurich pourrait être réévaluée.
Certains designers de mode zurichois, ou plus largement suisses, choisissent rapidement de tenter leur chance à l’étranger : comment l’expliquez-vous ?
Ce phénomène s’explique principalement par un déséquilibre entre l’offre et la demande : la Suisse compte plus de neuf millions d’habitants, mais très peu d’écoles de mode. C’est pourquoi il n’y a pas un grand marché pour ce domaine. La barrière langagière, avec ses quatre langues nationales, limite également la portée locale des créateurs, les incitant à chercher des opportunités à l’international. Enfin, la raison est souvent et surtout économique : le coût de la vie en Suisse – parmi les plus élevés en Europe – rend difficile de miser sur une carrière dans la mode.
Le coût de la vie en Suisse – parmi les plus élevés en Europe – rend difficile pour les talents de miser sur une carrière dans la mode.
Que fait concrètement la Ville de Zurich pour retenir ces talents et tenter de réduire cet exode culturel ?
Zurich organise de nombreux événements qui mettent en lumière les designers locaux et nationaux, même si la mode y est parfois moins représentée. Dans ce domaine, la ville dispose néanmoins d’écoles de grande qualité, reconnues à l’international, et présente régulièrement des initiatives visant à soutenir les productions locales. Mais freiner cet exode dépend aussi des ambitions des talents eux-mêmes : lorsqu’ils s’expatrient, beaucoup finissent par revenir en Suisse, convaincus, à l’instar des fondateurs de la Zurich Fashion Week, que le pays mérite sa place sur la scène culturelle internationale. Ils mettent alors à profit leur expérience à l’étranger pour lancer des initiatives ambitieuses. C’est ce travail conjoint entre les créateurs et la ville qui permettra, à long terme, de limiter l’exode culturel.
La Fashion Week de Zurich représente une opportunité unique de montrer au monde l’importance cruciale de la production durable dans l’industrie textile. Aujourd’hui, nous le voyons de plus en plus : de nombreux créateurs suisses portent cette vision.
Avez-vous des attentes particulières concernant cette première édition de la Fashion Week de Zurich ?
J’espère que la Zurich Fashion Week rencontrera un véritable succès et saura s’imposer au même titre que les autres grands événements culturels suisses. Au-delà de la mise en lumière des talents locaux, elle représente une opportunité unique de montrer au monde l’importance cruciale de la production durable dans l’industrie textile. Et aujourd’hui, nous le voyons de plus en plus : de nombreux créateurs suisses portent cette vision. Grâce à cette Fashion Week, la Suisse pourrait enfin avoir sa ville de la mode.
