De la Suisse à la Fashion Week de New York : l’ascension fulgurante de Nana Gotti
En septembre, l’une des griffes les plus exaltantes d’Helvétie s’est imposée au coeur de la mode américaine. ELLE Suisse s’est entretenue avec sa fondatrice, Nagehan Dobler, dont les créations flamboyantes racontent l’histoire d’une femme ayant fondé sa vie sur une seule chose : la liberté.
Ses coupes architecturales, ses couleurs explosives, sa manière de tout simplement habiller la confiance : Nana Gotti sait marquer les esprits. En quelques années, la marque fondée par Nagehan Dobler s’est imposée comme l’une des signatures les plus chatoyantes du paysage textile suisse. Mais dimanche 14 septembre, c’est à New York que ce nom a résonné. La créatrice s’est invitée sur l’une des scènes mode les plus scrutées au monde : la Fashion Week. Une incursion qui a sonné comme une évidence, déclare-t-elle : « Mon univers y a immédiatement trouvé un écho. C’était, pour moi, le bon moment d’introduire Nana Gotti à New York ». Pas inscrite au calendrier officiel de la ville du moins, la designer confie avoir défilé via Flying Solo NYC, une plateforme parallèle à la Semaine américaine. Mais l’alternative présente, selon elle, un avantage non négligeable : « On y découvre une proximité et une énergie qu’on perd parfois dans les grandes structures ». Rien d’étonnant que la créatrice s’en réjouisse, quand on sait que ce pas de côté, elle en a fait sa manière d’exister.
S’émanciper pour exister
Née à Dietikon (ZH), Nagehan Dobler a grandi dans une famille turque attachée aux traditions. Très tôt, alors qu’on lui dessine un avenir fait d’études et de stabilité corporate, elle, en cachette, se passionne pour les émissions de mode : « J’ai toujours su que je devais partir pour me construire », se souvient-elle. Elle s’échappe alors d’abord en inventant un alter ego : « Nana ». Un personnage capable d’aller là où Nagehan n’ose pas encore. Un moyen, en tout cas, de devenir la femme qu’elle a toujours voulu être.
En 2010, elle prend son courage à deux mains, quitte la Suisse et s’envole, seule, pour la ville qui ne dort jamais : New York. À Parsons The New School, la jeune femme découvre un lieu qui respire la démesure et l’audace. « J’y ai trouvé la liberté, le courage et le sentiment que tout était possible. » Puis vient Londres avec une bourse pour l’Istituto Marangoni. Dans les prestigieux ateliers de Diane von Furstenberg, Bottega Veneta ou encore Erdem, la future styliste cherche son rythme, affine son langage. Elle s’est trouvée en tant que personne, elle se trouve désormais également en tant que professionnelle. Quand elle retourne en Suisse, ce n’est donc pas un retour : c’est le commencement.
Nana Gotti, c’est l’histoire d’une transformation, d’une indépendance, d’une foi en sa propre vision, même lorsque le monde tente de nous en empêcher.
Nous sommes en 2018 lorsque Nagehan Dobler fonde à Zurich sa marque : à « Nana », s’ajoute « Gotti ». Un nom que cette passionnée de New York emprunte à John Gotti, figure mythique de la mafia new-yorkaise plus connue sous le nom de Dapper Don. « J’aimais ce mélange de danger et d’élégance. Je voulais quelque chose de fort, de tranchant, d’inoubliable. », s’explique la créatrice. Sa marque incarne alors cette fusion d’idées, mais aussi d’héritages : l’audace d’Istanbul, la rigueur zurichoise, la fougue londonienne et la liberté new-yorkaise. De cette hybridité naît un style précis, musical : des lignes nettes, des couleurs franches, la flamboyance des années folles, la sensibilité contemporaine. Elle le martelle inlassablement : c’est un dialogue constant « entre douceur et puissance. Entre la féminité et l’attitude. Nana Gotti, c’est l’histoire d’une transformation, d’une indépendance, d’une foi en sa propre vision, même lorsque le monde tente de nous en empêcher. »
Démocratiser le luxe
Ses premières collections, festives et éclatantes, portent cette joie de vivre assumée. « Nana » est enfin la femme qu’elle voulait devenir. Sept ans plus tard, à la Fashion Week de New York, cette extravagance se fait désormais plus subtile. À raison : « Je ne pouvais présenter que huit looks. Cette contrainte m’a obligée à aller à l’essentiel. J’ai voulu définir l’ADN de la marque : des imprimés inspirés de l’art ottoman, des floraux stylisés, une féminité affirmée » et surtout ancrée dans ce que la designer appelle le « luxe abordable », selon elle essentiel à notre époque : « Cela peut paraître contradictoire au premier abord, mais je pense que le luxe accessible définit parfaitement la nouvelle réalité de la mode moderne. Aujourd’hui, le luxe n’est plus seulement une question de prix : c’est une question de savoir-faire, d’émotion et de connexion. Je souhaite que Nana Gotti incarne cela : des pièces magnifiquement réalisées, expressives et exclusives, tout en restant accessibles aux femmes qui apprécient l’individualité et la narration. »
C’est notamment pour cela que, chez Nana Gotti, chaque pièce est faite sur commande, pour une personne précise. La créatrice et son équipe ne produisent rien à l’avance. Les tissus ne sont achetés qu’une fois la commande passée. Les clientes peuvent même aller jusqu’à customiser entièrement leur robes Nana Gotti. Un choix, souligne la créatrice, qui allie exigence et conscience : « Quand une femme investit dans quelque chose de personnel, elle le garde plus longtemps. C’est ça, la durabilité : l’émotion plutôt que l’impulsion ». Si l’approche séduit la clientèle suisse, elle attire d’autant plus l’internationale, notamment du Moyen-Orient, où la marque est particulièrement suivie : « Dubaï devient un centre majeur de la mode, et j’aimerais en faire partie », confie-t-elle.
Le luxe n’est plus seulement une question de prix : c’est une question de savoir-faire, d’émotion et de connexion. Je souhaite que Nana Gotti incarne cela : des pièces magnifiquement réalisées, expressives et exclusives, tout en restant accessibles aux femmes.
Boucler la boucle
Si les créations de Nana Gotti voguent de la Suisse en Américaine jusqu’à la péninsule arabique, le cœur de sa fondatrice, lui, ne quitte jamais Zurich C’est là qu’elle vit, qu’elle crée, qu’elle prend soin de son équipe et que, en somme, tout commencé. C’est là, aussi, que la Suisse prépare sa propre scène créative : une Fashion Week zurichoise, prévue pour 2026. Une belle initiative, estime la femme de 36 ans. « C’est quelque chose qui manquait ici. Il y a énormément de talents en Suisse, mais peu de visibilité. Une Fashion Week à Zurich, c’est une manière de rappeler que la Suisse ne se résume pas à la précision. Elle sait aussi célébrer la créativité. »
Une Fashion Week à Zurich, c’est une manière de rappeler que la Suisse ne se résume pas à la précision. Elle sait aussi célébrer la créativité.
Participer à cet événement serait aussi, pour Nagehan Dobler, un retour symbolique : « Nana Gotti est née ici. Si le concept correspond à nos valeurs, j’aimerais être de la partie. » Sept ans après sa création, Nana Gotti continue de croître à son tempo. « Comme la plupart d’entre elles, atteindre une rentabilité stable prend du temps, car nous réinvestissons massivement dans la qualité, la production et le développement de la marque. Et chaque saison, nous constatons l’arrivée de nouveaux clients, l’ouverture de nouveaux magasins et une demande toujours plus croissante. » Une chose est sûre : Nana Gotti ne cherche pas la démesure. Elle vise la cohérence. Et c’est sans doute ce qui la rend si singulière : une maison née à Zurich, nourrie par le monde, guidée par une seule conviction : celle d’habiller les femmes qui, comme elle, choisissent leur liberté.
