Delphine Lubomirski-Eggly: « La maladie a remis les priorités dans ma vie au bon endroit »

11 mars · Modifié · Sophie Bernaert

Aujourd’hui en rémission d’un cancer lourd, la fondatrice de Healing Joy redonne de la joie de vivre à des malades à travers son association. Rencontre plus qu’inspirante…

Le jour de la rentrée scolaire 2019, c’est «à bout de souffle, physiquement et psychiquement» que Delphine Lubomirski-Eggly accompagne à vélo ses enfants à l’école. Épuisée, souffrant de symptômes respiratoires depuis plusieurs mois, investie à fond dans sa vie professionnelle et familiale, lors d’une consultation d’urgence ce 29 août 2019, le diagnostic tombe: cancer du poumon plèvre avec des métastases cérébrales. Commence alors un dur combat pour cette hyperactive de nature, pendant lequel elle réalise «qu’elle n’est pas que malade» et crée une association unique en son genre qui s’occupe de ce qui va bien.

A lire aussi: Directrice de la Ligue vaudoise contre le cancer: « Mon travail donne un sens à ma vie »

ELLE: Quelles sont vos origines, votre parcours?
Delphine Lubomirski-Eggly: Je suis née en Suisse et ma famille y est très ancrée. Ma maman est une Naville, une des plus anciennes familles genevoises et mon papa a longtemps siégé au Parlement suisse. J’ai suivi des études supérieures en droit dont je me suis éloignée rapidement. Je voulais travailler dans le monde de la culture. J’aime créer, rassembler, je m’ennuie très vite dans la vie. Après un poste en communication dans le département culturel de la banque Paribas à Genève, j’ai eu la chance extraordinaire de faire vivre l’œuvre du peintre Balthus pendant dix années passées au sein de sa fondation.
 
Qui est Delphine Lubomirski-Eggly le 29 août 2019?
Une femme de 47 ans, mère de trois enfants dont le dernier n’a que 4 ans, qui pense qu’elle va faire un burn-out. À l’époque, je travaillais pour trois fondations, une de soutien à des projets sur la protection de l’environnement et deux autres dans la recherche médicale. J’allais dans tous les sens, j’étais décentrée.

Mais à ce moment-là, je suis aussi une femme qui vit une étape compliquée de sa vie, où beaucoup de choses ne vont pas bien, mais qui continue comme un bon soldat, à toute allure.

Vous définissez-vous comme une hyperactive?
Mon hyperactivité est ma force. Mais c’est aussi mon point faible, car je n’arrive pas toujours à m’arrêter, à ne pas me brûler. Deux mois avant l’annonce de ma maladie, j’étais sur scène pour SIX représentations d’une comédie musicale. J’avais déjà des symptômes et j’étais très fatiguée mais personne ne s’inquiétait étant donné le style de vie que j’avais. Aujourd’hui, malgré la maladie, je n’ai pas encore réussi à trouver cet équilibre.

A lire aussi: Laetitia Perrier Guigui: « La souffrance m’a donnée la force que j’ai aujourd’hui
 
De l’annonce du diagnostic à aujourd’hui, quel parcours?
L’annonce, c’est cette minute où on pense qu’on fait un cauchemar et qu’on va se réveiller. Puis on rentre chez soi, le quotidien reprend aussitôt et là on se dit qu’on est proche de la schizophrénie. Au début de ma maladie, j’étais passive, je vivais au gré des traitements. La maladie occupait tout l’espace. Mais un jour, un cancérologue m’a dit: «Ne perdez jamais le feu de vivre.»

Aujourd’hui, malgré ma nature anxieuse et pessimiste, une certaine joie de vivre est ressortie. J’ai très peur de la mort, du temps qui passe mais mon goût de la vie a pris le dessus.

Grâce à l’association Healing Joy que vous avez créée?
«Mon médecin me soigne; moi, je m’occupe de ma joie de vivre», c’est notre slogan. Notre association s’adresse à des personnes qui ont une maladie grave ou invalidante, pas que le cancer. Mais surtout, la maladie ne nous intéresse pas. Quand on arrive chez nous, on la laisse au vestiaire. Nous ne sommes pas une association de soutien à la maladie. Nous, on s’occupe de ce qui va bien à travers la vingtaine d’activités artistiques et sportives que nous proposons dans nos locaux ou parfois à domicile. On s’adapte, toujours. Pendant un cours de danse par exemple, si les jambes sont fatiguées, on travaille sur une chorégraphie des bras, assis sur une chaise. On s’adapte aussi à tous les budgets. Les tarifs des cours sont bas et on a un fonds de soutien qui peut prendre en charge tout ou partie des frais.
 
Quels ont été vos atouts pour la création de cette association?
Grâce à mon parcours professionnel dans le domaine culturel, j’ai pu facilement trouver des intervenants passionnés. J’ai aussi pris mon bâton de pèlerin et je suis allée voir les médecins que je connaissais pour leur proposer le concept. À mon immense joie et fierté, ils ont tous dit oui, on vous rejoint. Aujourd’hui, 20 médecins ont rejoint le comité scientifique de l’association et pas que des oncologues. Presque toutes les spécialités sont représentées. Ça apporte une crédibilité à l’association et c’est souvent eux qui nous envoient des participants.
  
La maladie a été une épreuve, mais pas que?
Sans la maladie, je n’aurais jamais osé créer quelque chose. J’étais toujours contente en étant la deuxième partout. J’avais, je pense, l’âme d’une entrepreneuse, mais je manquais tellement de confiance en moi. La maladie a remis les priorités dans ma vie au bon endroit. Je manque toujours de confiance en moi, mais maintenant tant pis, j’y vais. Je m’en fiche un peu, j’ai tellement eu peur de mourir.

Tags : maladie · femmes

Aujourd’hui en rémission d’un cancer lourd, la fondatrice de Healing Joy redonne de la joie de vivre à des malades à travers son association. Rencontre plus qu’inspirante…

Le jour de la rentrée scolaire 2019, c’est «à bout de souffle, physiquement et psychiquement» que Delphine Lubomirski-Eggly accompagne à vélo ses enfants à l’école. Épuisée, souffrant de symptômes respiratoires depuis plusieurs mois, investie à fond dans sa vie professionnelle et familiale, lors d’une consultation d’urgence ce 29 août 2019, le diagnostic tombe: cancer du poumon plèvre avec des métastases cérébrales. Commence alors un dur combat pour cette hyperactive de nature, pendant lequel elle réalise «qu’elle n’est pas que malade» et crée une association unique en son genre qui s’occupe de ce qui va bien.

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ELLE: Quelles sont vos origines, votre parcours?
Delphine Lubomirski-Eggly: Je suis née en Suisse et ma famille y est très ancrée. Ma maman est une Naville, une des plus anciennes familles genevoises et mon papa a longtemps siégé au Parlement suisse. J’ai suivi des études supérieures en droit dont je me suis éloignée rapidement. Je voulais travailler dans le monde de la culture. J’aime créer, rassembler, je m’ennuie très vite dans la vie. Après un poste en communication dans le département culturel de la banque Paribas à Genève, j’ai eu la chance extraordinaire de faire vivre l’œuvre du peintre Balthus pendant dix années passées au sein de sa fondation.
 
Qui est Delphine Lubomirski-Eggly le 29 août 2019?
Une femme de 47 ans, mère de trois enfants dont le dernier n’a que 4 ans, qui pense qu’elle va faire un burn-out. À l’époque, je travaillais pour trois fondations, une de soutien à des projets sur la protection de l’environnement et deux autres dans la recherche médicale. J’allais dans tous les sens, j’étais décentrée.

Mais à ce moment-là, je suis aussi une femme qui vit une étape compliquée de sa vie, où beaucoup de choses ne vont pas bien, mais qui continue comme un bon soldat, à toute allure.

Vous définissez-vous comme une hyperactive?
Mon hyperactivité est ma force. Mais c’est aussi mon point faible, car je n’arrive pas toujours à m’arrêter, à ne pas me brûler. Deux mois avant l’annonce de ma maladie, j’étais sur scène pour SIX représentations d’une comédie musicale. J’avais déjà des symptômes et j’étais très fatiguée mais personne ne s’inquiétait étant donné le style de vie que j’avais. Aujourd’hui, malgré la maladie, je n’ai pas encore réussi à trouver cet équilibre.

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De l’annonce du diagnostic à aujourd’hui, quel parcours?
L’annonce, c’est cette minute où on pense qu’on fait un cauchemar et qu’on va se réveiller. Puis on rentre chez soi, le quotidien reprend aussitôt et là on se dit qu’on est proche de la schizophrénie. Au début de ma maladie, j’étais passive, je vivais au gré des traitements. La maladie occupait tout l’espace. Mais un jour, un cancérologue m’a dit: «Ne perdez jamais le feu de vivre.»

Aujourd’hui, malgré ma nature anxieuse et pessimiste, une certaine joie de vivre est ressortie. J’ai très peur de la mort, du temps qui passe mais mon goût de la vie a pris le dessus.

Grâce à l’association Healing Joy que vous avez créée?
«Mon médecin me soigne; moi, je m’occupe de ma joie de vivre», c’est notre slogan. Notre association s’adresse à des personnes qui ont une maladie grave ou invalidante, pas que le cancer. Mais surtout, la maladie ne nous intéresse pas. Quand on arrive chez nous, on la laisse au vestiaire. Nous ne sommes pas une association de soutien à la maladie. Nous, on s’occupe de ce qui va bien à travers la vingtaine d’activités artistiques et sportives que nous proposons dans nos locaux ou parfois à domicile. On s’adapte, toujours. Pendant un cours de danse par exemple, si les jambes sont fatiguées, on travaille sur une chorégraphie des bras, assis sur une chaise. On s’adapte aussi à tous les budgets. Les tarifs des cours sont bas et on a un fonds de soutien qui peut prendre en charge tout ou partie des frais.
 
Quels ont été vos atouts pour la création de cette association?
Grâce à mon parcours professionnel dans le domaine culturel, j’ai pu facilement trouver des intervenants passionnés. J’ai aussi pris mon bâton de pèlerin et je suis allée voir les médecins que je connaissais pour leur proposer le concept. À mon immense joie et fierté, ils ont tous dit oui, on vous rejoint. Aujourd’hui, 20 médecins ont rejoint le comité scientifique de l’association et pas que des oncologues. Presque toutes les spécialités sont représentées. Ça apporte une crédibilité à l’association et c’est souvent eux qui nous envoient des participants.
  
La maladie a été une épreuve, mais pas que?
Sans la maladie, je n’aurais jamais osé créer quelque chose. J’étais toujours contente en étant la deuxième partout. J’avais, je pense, l’âme d’une entrepreneuse, mais je manquais tellement de confiance en moi. La maladie a remis les priorités dans ma vie au bon endroit. Je manque toujours de confiance en moi, mais maintenant tant pis, j’y vais. Je m’en fiche un peu, j’ai tellement eu peur de mourir.

Tags : maladie · femmes